A Yi a moins de quarante ans, il a passé huit ans sous l’uniforme de la police mais il participe maintenant comme romancier à plusieurs festivals hors de Chine et son premier roman, « A perfect crime », traduit par Anne Holmwood vient d’être publié. Une traduction française sera disponible aux Editions Stock en septembre 2016.
Huit ans sous l’uniforme :
Né à Ruichang, un petit village du Jianxi, il aurait pu rentrer à l’université, mais son père, pharmacien, préféra l’inscrire à l’Ecole de police. Il y passera trois ans et cinq ans en poste. Il s’ennuie, il y a peu à faire même s’il reconnaît que le crime, la police, donnent une bonne compréhension de la nature humaine. Il démissionne en 2002 à 26 ans au désespoir de ses parents. Il travaille pour différentes revues dont Chutzpah puis comme éditeur à la Xiaron Publishing Company, une société privée.
Ses trois recueils de nouvelles ont été bien accueillis et ont été soutenus par le poète Bei Dao; deux romans et deux recueils d’essais ont également été publiés. Ces succès littéraires ne semblent pas lui avoir fait oublier une longue et triste histoire d’amour non partagé…Il est considéré comme l’un des vingt écrivains qui vont compter dans le futur et les commentaires les plus louangeurs fleurissent, à mon sens un peu vite…
« A perfect crime » :
Un adolescent isolé, renfermé, vit avec sa tante qui ne cesse de le rabaisser et de mépriser son père décédé et sa mère qui ne songe qu’à amasser de l’argent. Il prépare un meurtre…par ennui et finalement décide que la victime sera la seule camarade d’école, Kong Jie, qui lui montre quelque sympathie. Il la tue, la larde de 37 coups de couteau et introduit le haut de son corps dans une machine à laver !
Il fuit en train mais ce n’est pas un « road movie » ; suivent quarante pages sans grand intérêt et où les seuls incidents qui auraient pu être un peu captivants, ne sont pas développés. Le texte est travaillé, précis, construit avec des dialogues très concis. Peu de descriptions, peu d’odeurs, peu de couleurs; le héros, le narrateur qui n’a pas de nom, souvent se regarde sans beaucoup d’indulgence…
C’est seulement quand il est pris par la police que le livre devient intéressant, il a maintenant de la chair et aligne les portraits critiques de la police, des procureurs, des juges, des journalistes, des avocats, des autres prisonniers…L’auteur revient à plusieurs reprises sur son père, mort d’un cancer et sur les souvenirs qu’il en a; avec un père vivant, les choses auraient pu être différentes.
Le procès fait grand bruit, et une question intrigue tout le monde: pourquoi l’a-t-il tuée ? Il ne fait preuve d’aucun remord et ne manifeste que son ennui. L’auteur dans une intervieuw nous donne les clefs :
« The main character feels disconnected from society, so he decides to play a game of cat and mouse with the police. He decides that if he kills someone and the police chases him, his life will have meaning. The main character is also worried that if he does not kill the right victim, the police won’t chase him, so he has to kill someone that society will be empathetic to”.
Le ton est sombre, l’auteur dit lui-même qu’il est d’un naturel triste. C’est un portrait sordide de la Chine contemporaine qui évite aussi d’ aborder les aspects politiques.
« Je hais la politique » :
C’est clair et il refuse aussi tout commentaire sur le sujet ou sur la censure. Il ne croit pas à la responsabilité des intellectuels qui sont facilement manipulés. Ils doivent dépasser la réalité et pourquoi pas créer des mondes qui n’existent pas.
Avec un seul roman, il est difficile de se faire une opinion. Les nouvelles traduites en anglais par Julia Lovell, nous montrent qu’elles tournent autour de la mort dans « The curse », une malédiction prononcée par une femme contre sa voisine qu’elle accuse de lui avoir volé un poulet. Le meurtre, dont un homme est accusé à tort est le thème de l’autre nouvelle « Common people ». Le meurtrier a tué car il avait besoin d’argent pour les frais de dialyse de son père qui mourra le jour de son exécution. Mort, meurtre, exécution, ces nouvelles sur des crimes sont un peu pesantes, on préférerait un bon roman policier plein de rebondissements…
Bertrand Mialaret
A Yi, « A perfect crime », traduit par Anna Holmwood; Oneworld Publications 2015; 210 pages.