Gao Xingjian, prix Nobel de littérature en 2000, vient de fêter ses 70 ans. A cette occasion, l’Université de Londres a organisé en janvier un ensemble de témoignages et de présentations de son œuvre littéraire, cinématographique et théâtrale.
L’auteur de « La Montagne de l’Ame » (Ed. de l’Aube, 1995) et du « Livre d’un Homme Seul » (Ed. de l’Aube, 2000) a accepté de répondre à nos questions centrées sur ses films et sa peinture.
A Londres, des acteurs anglais donnèrent une lecture de sa dernière pièce « Ballade Nocturne », qui sera présentée du 10 au 28 Mars prochain au Théâtre de l’Epée de Bois (Cartoucherie de Vincennes, près de Paris), en alternance avec « Au Bord de la Vie » .
Film « Tripartite » et collages multimédia
Deux films furent présentés : « La Silhouette sinon l’Ombre » (2006), un film commencé à Marseille en 2003 (« année Gao Xingjian » à Marseille avec nombre d’expositions et de représentations de ses pièces), et « Après le Déluge » plus court (28 minutes), qui vient d’être réalisé.
Vous parlez de films « tripartites »…
La musique, comme l’image et les paroles, doivent avoir dans un film leur vie propre… si chaque élément prend son autonomie dans le temps, en ce cas on aura une autre écriture cinématographique, on se débarrasse de la narration.
Ce n’est pas le son qui interprète ou explique l’image, le son ou la musique ont leur autonomie. « Silhouette » évoque la guerre, toutes ses calamités en utilisant un chantier d’immeubles en destruction à Marseille. Mais ce film chante aussi la liberté avec le thème de la mouette relayant mon poème en prose « L’errance de l’oiseau ».
Dans « Après le Déluge », sans paroles, les corps des six acteurs , d’abord en noir et blanc, dialoguent avec vos peintures…
Il y a un travail assez subtil, au début, entièrement noir ; puis après le déluge, il y a une certaine espérance, la vie va peut-être reprendre, les images sont alors légèrement teintées… J’utilise la couleur avec beaucoup de prudence, si ce n’est pas nécessaire, je ne l’utilise pas. Il peut y avoir des extrêmes, dans « Silhouettes », on voit le vieux port de Marseille avec des couleurs extrêmement saturées.
L’encre a soif d’eau :
« On ne voit plus en moi qu’un écrivain, dit Gao Xingjian, alors que c’est la peinture qui dans mes premières années d’exil m’a permis de survivre ». C’est en 1978, en Europe, que la fréquentation des musées le convainc d’abandonner la peinture à l’huile, persuadé qu’il est de ne pouvoir atteindre cette perfection. Mais cette expérience va lui permettre d’ouvrir des voies très neuves dans l’art millénaire de l’encre.
La préparation du travail est pour vous importante, il faut être libre, se débarrasser des idées…
Bien sur, la peinture ce n’est pas une illustration, une interprétation ; il y a une autonomie de l’image. La vision, c’est tout a fait un autre langage…Il y a une autre façon de penser en images…Ce qui est le plus proche, c’est la musique ; la musique évoque ce genre d’images sans passer par la langue. On pense souvent que l’encre, c’est comme la calligraphie, une fois et c’est fini, mais ce n’est pas le cas ; moi je repasse, je fais beaucoup d’épaisseurs. Pour terminer un travail, cela peut prendre parfois un an…mais il faut être sûr car on ne peut pas corriger.
Toute peinture est basée sur deux dimensions, mais qu’est ce que cela veut dire cet espace ? Il y a de multiples façons de voir les choses, de composer, de créer. Si on commence par un bord du tableau, si l’on met une tache à cet endroit, on définit un espace. Il y a la perspective classique, bien étudiée dès la Renaissance, mais il y a aussi de multiples profondeurs.
Papiers, pinceaux, encres, des trésors…
J’ai une grande collection de papiers traditionnels, qu’on appelle des papiers de riz, mais en fait, il y a aussi d’autres fibres, c’est très varié ; papiers chinois, coréens, japonais. De même pour l’encre, il y a une grande variété et cela aide. Pour le même tableau, j’utilise toujours plusieurs encres, cela vient de mon expérience de la peinture à l’huile.
Bertrand Mialaret Publié sur Rue89-08/02/2010.
►Une exposition des oeuvres de Gao Xingjian peut être vue en Belgique, des petits formats jusqu’au 14 Février à la Galerie J. Bastien Art à Bruxelles. Sans oublier l’exposition remarquable au Musée Wurth à Eirstein en Alsace .
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