Gao Xingjian, prix Nobel de littérature est surtout connu pour ses livres et notamment pour un chef d’œuvre « La Montagne de l’âme ». On connaît aussi ses pièces de théâtre et son opéra « La neige en août » et l’on admire ses créations et ses recherches théâtrales.
Il est aussi célèbre comme peintre et ne manque pas de rappeler que la peinture l’a fait vivre.
A Paris, à la Galerie Claude Bernard (1), il va exposer des encres de Chine sur papier, des petits formats.
Il y a un an à Londres, à l’occasion de ses 70 ans, j’avais pu l’interroger sur ses films et sa peinture :
« La peinture, ce n’est pas une illustration, une interprétation ; il y a une autonomie de l’image. La vision, c’est tout à fait un autre langage…Il y a une autre façon de penser en images… Ce qui est le plus proche, c’est la musique ; la musique évoque ce genre d’images sans passer par la langue. »
Son exposition au musée Würth où je me suis rendu, il y a quelques mois à la suite d’un article de Rue89, fut un véritable choc avec de splendides grands formats.
Comme dit Pierre Haski : « Le lieu est improbable pour un dialogue entre deux prix Nobel. Au milieu des usines de la zone industrielle d’Erstein (Alsace), entourée de champs de maïs dénudés, un industriel allemand a bâti en 2008 un musée d’art contemporain : il y présente une mise en relation de deux hommes qui ont en commun d’avoir reçu le Nobel de littérature, et de dessiner et peindre, le Chinois (devenu Français) Gao Xingjian et l’Allemand Günther Grass ».
« Amener les œuvres de ces deux géants au cœur de la campagne alsacienne, loin des projecteurs parisiens relève de la provocation. C’est celle que mène depuis quarante ans Reinhold Würth, qui a conduit une entreprise familiale allemande au premier plan mondial dans un secteur plutôt ingrat : les fixations ! »
« Mais Reihold Würth est aussi un amateur d’art, et , au lieu d’installer ses musées à Venise, il les a implantés là où se trouvent ses installations industrielles, avec un prix d’entrée modeste ! Il y a désormais des musées Würth dans treize pays européens. Et ça marche… ».
Trente mille personnes ont visité cette exposition, 500 personnes ont assisté à un débat entre Gao Xingjian et son ami et traducteur Noël Dutrait. Au lieu de s’inspirer de cet entrepreneur allemand, nos industriels du Cac 40, dépensent des millions d’euros dans des campagnes de publicité « corporate » sans intérêt culturel !
De nouveau, un débat entre Gao Xingjian et Noël Dutrait, se tiendra à la bibliothèque du Centre Pompidou à Paris, le lundi 17 janvier à 19 heures. Cette rencontre sera suivie par la projection du film de Gao Xingjian « Après le Déluge » (2009), un film magnifique sur lequel j’avais pu également l’interroger :
– Vous parlez de films « tripartites… »
« La musique, comme l’image et les paroles, doivent avoir dans un film leur vie propre…si chaque élément prend son autonomie dans le temps, en ce cas on aura une autre écriture cinématographique, on se débarrasse de la narration. »
« Ce n’est pas le son qui interprète ou explique l’image, le son ou la musique ont leur autonomie. « Silhouette » (2) évoque la guerre, toutes les calamités, en utilisant un chantier d’immeubles en destruction à Marseille. Mais ce film chante aussi la liberté avec le thème de la mouette relayant mon poème en prose « L’errance de l’oiseau ».
– Dans « Après le Déluge », sans paroles, les corps de six acteurs, d’abord en noir et blanc, dialoguent avec vos peintures …
« Il y a un travail assez subtil, au début, entièrement noir; puis après le déluge, il y a une certaine espérance, la vie va peut-être reprendre, les images sont alors légèrement teintées… J’utilise la couleur avec beaucoup de prudence, si ce n’est pas nécessaire, je ne l’utilise pas. Il peut y avoir des extrêmes, dans « Silhouette », on voit le vieux port de Marseille avec des couleurs extrêmement saturées. »
Bertrand Mialaret
(1) Galerie Claude Bernard, Rue des Beaux Arts, Paris 75006, du 13 janvier au 19 février 2011.
(2) « La silhouette sinon l’ombre » (2006) , un film commencé à Marseille en 2003.
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