Morte en 1995 à Los Angeles, Eileen Chang, après un succès considérable en Chine et à Hong Kong dans les années 1940, n’est pas reconnue comme écrivain aux Etats Unis où elle a émigré et meurt à 75 ans, oubliée et complètement isolée. Quinze ans après, c’est un auteur « culte » dans le monde chinois, spécialement auprès du public féminin. Elle est maintenant considérée comme un écrivain de tout premier plan. En moins de deux ans, trois de ses livres ont été publiés.
- « Little Reunion », une histoire d’amour dramatique :
Elle s’éprend d’un séducteur cynique et talentueux, Hu Lancheng, collaborateur du gouvernement fantoche installé par les Japonais. Ils se marient en 1943, mais dès son retour à Wuhan, il ne cesse de la tromper. Après la défaite japonaise, il se cache, mais Eileen Chang le retrouve à Wenzhou, entretenu et protégé par une jeune veuve. Cette humiliation ne sauva pas son mariage et ils divorcèrent en 1947. En fuite au Japon, il publie des mémoires où il fait jouer à Eileen Chang, alors un écrivain célèbre , un rôle assez minable parmi ses huit maîtresses.
« Little Reunion » est un livre sur son enfance et sur ses relations avec Hu Lancheng. En 1976, son ami Stephen Soong, Directeur du Centre de traduction de l’Université Chinoise de Hong Kong, lui déconseille de publier ce texte d’autant plus que Hu a obtenu en 1974, un visa pour Taiwan où il restera trois ans. Il travaille alors pour la revue de la famille Zhu , dont les deux filles Zhu Tianwen et Zhu Tianxin devinrent des écrivains célèbres (1) et sont alors sous le charme de Hu ; leur père proposa même à Eileen Chang d’écrire un livre sur ses œuvres avec l’assistance de Hu !
Eileen Chang envisagea même de détruire le manuscrit de « Little Reunion », une histoire d’amour qui est l’une des sources de la nouvelle « Lust Caution » et du film qu’en tira Ang Lee ; un film dont le succès accéléra la renaissance de l’œuvre de cet écrivain.
« Little Reunion » , publié en 2009, fut tiré à 400 000 exemplaires en Chine et les éditions pirates ont été encore plus importantes. La propriété des droits d’auteur sur l’œuvre de Chang a étéen discussion durant de nombreux procès. L’héritage est géré par le fils de Stephen Soong, Roland , qui est aussi l’animateur d’un des blogs les plus justement célèbres (zonaeuropa.com).
- Une autobiographie en deux volumes et en anglais:
- Le premier volume, « The Fall of the Pagoda »(2) a été écrit en anglais avant « Little Reunion » et publié à Hong Kong en avril 2010. Inspiré par la jeunesse d’Eileen Chang, c’est un livre sur la chute de la vieille société et le féodalisme.
Une petite fille, Lute, vit avec sa mère divorcée et sa tante, vieille fille. Sa mère l’abandonne pour l’Europe et son père, opiomane, est totalement inadapté à l’évolution de son temps. Un livre , terminé en 1963, pour ce qu’elle imaginait être le public américain mais …elle ne trouva pas d’éditeur.
Le deuxième volume, « The Book of Change », qui traite de sa vie à l’Université de Hong Kong, vient d’être publié il y a quelques jours. Un lancement qui rappelle le quinzième anniversaire de sa mort et est marqué par une exposition et un colloque sur son œuvre, le tout orchestré par Roland Soong (qui dans une vidéo en anglais, présente cette exposition).
Bertrand Mialaret
(1) « Anthologie de la famille Chu », traduit par Angel Pino et Isabelle Rabut- Christian Bourgois 2004.
(2) « The Fall of the Pagoda » ; University of Washington Press- 2010- 300 pages.
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