Si vous allez visiter l’Exposition Universelle, ne comptez pas trop sur les agences de voyage pour vous faire découvrir des aspects de Shanghaï moins connus que les quelques points de passage obligés. Lors des JO à Pékin, j’avais sur Rue89, proposé des « promenades littéraires » qui avaient suscité des réactions positives. N’ayant pu me rendre cette année à Shanghaï, j’ai néanmoins trouvé quelques indications intéressantes.
1- La résidence des personnalités d’avant guerre :
Le « China Daily » (2010-07/02), propose huit destinations dont je connais certaines.
La résidence de Song Qingling qui est moins spectaculaire que celle de Pékin près du lac Houhai ; il y a aussi la maison où elle vécut avec son mari Sun Yat-Sen.
Préférez la résidence du grand écrivain Lu Xun à sa tombe ; comme indiqué récemment, la récupération par Mao Zedong, conduisit à une tombe pompeuse que n’aurait certainement pas souhaitée l’écrivain et surtout à un mémorial dans le même parc.
L’immeuble où se situait l’appartement occupé par Eileen Chang et son mari Hu Lancheng, d’après les photos que j’ai vues, ne présente guère d’intérêt, mais le triomphe posthume de cet écrivain auprès de la jeune génération, conduira un jour ou l’autre à la création d’un musée .
Je ne connais pas la résidence du célèbre acteur de l’Opéra de Pékin Mei Lanfang, mais j’avais beaucoup aimé sa maison de Pékin. Profitez de votre séjour pour acheter le DVD du film de Chen Kaige sur Mei Lanfang (Forever Enthralled) qui montre comment se déroulaient les représentations d’Opéra de Pékin avant-guerre.
J’irai sûrement voir la résidence de Ruan Lingyu, la grande actrice des années 30 , qui se suicida à l’age de 24 ans et qu’évoque Stanley Kwan dans « Center Stage » (1991), un film magnifique avec Maggie Cheung.
2- « Le Pavillon aux Pivoines », une représentation à Zhu Jiajiao :
Un article du New York Times (2010-08/17) signale une représentation du célèbre opéra Kunqu, « Le Pavillon aux Pivoines » de Tang Xianzu. Du fait de l’Expo, il y a même deux représentations différentes, l’une dans un théâtre, l’autre en plein air dans le jardin botanique du village de Zhu Jiajiao dans les faubourgs de Shanghaï.
En plein air, dans un beau cadre et surtout une version « moderne » et courte (70 minutes) de cet opéra dont les 55 actes sont normalement représentés sur plusieurs jours. La musique a été composée par Tan Dun, un célèbre compositeur connu pour ses musiques de film (Tigres et Dragons, Héro…) et son opéra sur le Premier Empereur.
Les représentations ont lieu en fin de semaine jusqu’en Octobre et les billets sont en vente sur http://ccm.culture.sh.cn/english.
Cette pièce est tout à fait différente de l’Opéra de Pékin ; le style Kunqu (d’après la ville de Kunshan près de Suzhou) est né au 16ème siècle et la pièce elle-même (Mudanting) date de 1598, écrite par le lettré-dramaturge Tang Xianzu, l’année même des premières représentations de « Roméo et Juliette » en Angleterre. L’auteur, dont la carrière mandarinale fut écourtée par son impertinence, n’a écrit que quelques pièces, mais celle –ci est la plus célèbre de la Dynastie Ming.
Une histoire de rêve, d’amour, de mort, de résurrection entre Du Liniang et Liu Mengmei. Comme dit l’auteur « on ne sait pas comment se cristallise le sentiment amoureux , mais une fois formé, il ne fait que s’approfondir. Les vivants peuvent en mourir ; les morts peuvent en vivre. S’il n’apporte pas la mort à celle qui vit, s’il ne rend pas la vie à celle qui est morte, c’est que l’amour n’a pas atteint son degré suprême »(1)
Le succès de la pièce a même dépassé celui du « Pavillon d’Occident », le chef d’œuvre de Wang Shifu. Beauté du texte et de la poésie lyrique, le rôle de Du Liniang, une jeune fille de seize ans, fut un des grands succès de Mei Lanfang.
Après la Révolution Culturelle, le répertoire Kunqu disparaissait , mais plusieurs représentations ont marqué une résurrection : les 20 heures en six soirées à New York de même que les représentations à Paris et à Caen en 1999.
Puis une adaptation en neuf heures par le grand écrivain Taiwanais Bai Xianyong en 2004. Cela fit oublier le massacre par Peter Sellars en 1998, avec tous les éléments de décor en verre transparent et écrans vidéo, néanmoins la musique de Tan Dun fut appréciée.
Bertrand Mialaret
(1) cité par André Levy dans sa traduction de la pièce publiée en 1999 aux Editions Musica Falsa pour le Festival d’Automne à Paris.