Comme on l’a dit dans un article pour Rue89, « Un dictionnaire de Maqiao » vient de remporter le prix Newman aux Etats Unis.
C’est un livre tout à fait étonnant qui entraîna d’importants remous lors de sa parution en Chine en 1996 (1) . Deux critiques chinois expliquèrent que ce Dictionnaire n’est qu’un plagiat du « Dictionnaire Khazar » de l’écrivain serbo- croate Milorad Pavic (né en 1925), un livre publié en 1985 et traduit en Chinois..
La polémique dans la presse est intense, Han Shaogong porte plainte pour diffamation au tribunal de Haikou (dans l’île de Hainan, à l’extrême Sud de la Chine) où il vit. L’impartialité du tribunal est mise en cause mais Han Shaogong obtient des dommages et intérêts. De nombreux écrivains dont Fang Fang l’ont d’ailleurs soutenu.
On parle du livre qui obtient plusieurs prix à Shanghai et à Taiwan. Alors que l’auteur est connu en France grâce aux efforts de sa traductrice Annie Curien et de l’éditeur P. Picquier, en langue anglaise, seul un recueil de nouvelles a été publié à Hong Kong.
Mais en 2003 , le « Dictionnaire » est publié par les presses de l’Université de Columbia, dans une traduction de Julia Lovell, professeur à l’Université de Londres (2). L’accueil est excellent, ce qui surprend un peu car il s’agit d’un livre assez original: plus d’une centaine de termes, qui ont un intérêt particulier pour le village de Maqiao, sont listés en précisant graphiquement si l’usage du terme est limité ou non à Maqiao. Ces termes sont développés par de petits essais « au fil de la plume » de quelques paragraphes à quelques pages.
Les sujets sont variés : évènements historiques et ce qu’il en reste dans la mémoire populaire, légendes et personnages légendaires, mœurs et coutumes locales ; souvent dans un style parodique ou qui se rapproche des contes fantastiques traditionnels. Les références historiques et littéraires sont très nombreuses, le sérieux cohabite avec des passages très divertissants.
Parfois on est un peu gêné par l’absence de chronologie car le livre ne se limite pas à la période de la Révolution Culturelle » ; de même, le narrateur n’est pas toujours positionné de façon très claire.
Certains personnages sont récurrents ce qui donne un peu d’unité à cet ensemble qui n’est pas vraiment un roman. L’auteur avoue qu’il n’aime pas les fils conducteurs, les plans, les narrations bien ordonnées. Il nous le montre d’ailleurs dans ses nouvelles et il n’a jamais écrit de véritable roman.
Il a abandonné les techniques « modernistes » de ses débuts, les textes sont simples et recherchent le détail évocateur d’un individu ou d’un groupe concret de ce village du Nord-Est du Hunan.
L’ambition est plus large; le temps et le langage n’ont pas à Maqiao la valeur qu’ils peuvent avoir dans d’autres régions; ce sont des thèmes souvent développés par l’auteur qui poursuit la recherche de ses racines…
Bertrand Mialaret
(1) Analysé par Zhang Yinde dans un article de 2002 pour « Etudes Chinoises ».
(2) « A dictionary of Maqiao », traduit par Julia Lovell. Columbia University Press 2003.
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