Bi Feiyu vient d’obtenir le prix littéraire Man Asia 2010 d’un montant de 30 000 USD pour son roman « Trois Sœurs ». Ce livre a été traduit en français (1) en 2004, pour les Editions Philippe Picquier, par Claude Payen et récemment traduit en anglais (2) par Howard Goldblatt et Sylvia Li-chun Lin qui se partagent 5 000 USD.
C’est le troisième écrivain chinois couronné après Jiang Rong en 2007 et « Le Totem du Loup » et Su Tong en 2009 avec « The Boat To Redemption ». Mais il n’y a qu’un seul traducteur pour ces trois livres: Howard Goldblatt; le phénomène est suffisamment exceptionnel pour être mentionné.
Il y a trois mois, nous nous demandions si H. Goldblatt n’avait pas lancé une OPA sur le prix MAN Asia, on voit que cette OPA a été couronnée de succès! Les qualités professionnelles de cet éminent traducteur sont bien connues mais n’y a t-il qu’un seul traducteur vers l’anglais pour les romans chinois ?
On se réjouit pour Bi Feiyu même si « Trois Sœurs » n’est pas son meilleur livre. Ceux qui l’ont rencontré sont unanimes à louer sa simplicité, son sens de l’humour, son ouverture d’esprit et…son talent.
« Trois Sœurs », un ensemble de trois nouvelles :
Il y a près de deux ans, je présentais les différents romans de Bi Feiyu et notamment un grand texte « L’Opéra de la Lune », un beau roman sur l’Opéra de Pékin et son déclin, sur le poids de l’argent dans la société actuelle et sur ses relations difficiles avec les productions culturelles.
« Trois Sœurs » n’a pas cette qualité et rassemble trois nouvelles écrites séparément et qui se déroulent sur dix années de 1971 à 1981. Ces trois sœurs font tout pour changer le cours de leur destin et essaient d’établir leur pouvoir sur leur propre corps et sur le monde qui les entoure. Yumi, la fille aînée, dit à son père: « il faut que tu me trouves un homme !…N’importe qui, une seule condition, il faut qu’il ait du pouvoir sinon je préfère ne jamais me marier…Sans pouvoir, la vie était impossible. Il suffirait que l’homme ait du pouvoir pour que la famille soit à nouveau respectée…C’était même plus important pour elle que pour son père ».
Comme l’indique Bi Feiyu dans la préface de l’édition française: « chaque Chinois est possédé par le démon de la « domination des autres ». C’est devenu un rêve essentiel de tout un chacun. Ce démon ne s’attaque pas seulement aux puissants, il s’attache également aux gens du commun ». Bi Feiyu ne s’oppose pas au pouvoir mais « à la concentration du pouvoir (qui) s’illustre dans le pillage ».
Bertrand Mialaret
(1) Bi Feiyu – « Trois Sœurs », traduction Claude Payen; P. Picquier 2004, 350 pages.
(2) Bi Feiyu – « Three Sisters », Houghton Mifflin Harcourt ; aout 2010, 290 pages.