Après Eileen Chang, il était naturel de lire Wang Anyi, même si elle n’apprécie guère d’être comparée à cet écrivain des années 1940. Un petit livre vient d’être publié « A la recherche de Shanghai » (1). L’éditeur P. Picquier a fait beaucoup pour faire reconnaître Wang Anyi et, indépendamment des trois « Amours », des petits romans, presque des classiques, a publié un des plus beaux textes de la littérature chinoise contemporaine « Le Chant des Regrets Eternels »(2).
Cet « A la recherche… » est un recueil de petits essais, de contes, de nouvelles… qui forme un ensemble assez disparate mais dont certaines pièces ne manquent pas d’intérêt. C’est une promenade dans Shanghai et parmi les shanghaiens.
Les racines de Shanghai sont bien récentes et tout change à grande vitesse: « Shanghai est devenue bien moins sensuelle, les nouveaux matériaux de construction lui ont édifié une carapace qui l’éloigne des sens. Et comment est cette carapace ? Elle n’est pourtant pas assez adhérente, j’ai toujours l’impression qu’elle renferme du vide »
Pas de panégyrique de sa ville et la comparaison entre Shanghai et Pékin, n’est pas à l’avantage de la première notamment dans le domaine culturel : pour Pékin, Lao She, pour Shanghai, des pêcheurs, des étrangers, des bandits, des aventuriers …« La lutte pour la vie est si vive, la cupidité si éternellement présente que Shanghai n’a pas de temps à consacrer au jeu des sentiments. Voilà pourquoi, Pékin est un monde civilisé et Shanghai un lieu utilitaire…
Ce n’est pas parce qu’elle a abrité de grands hommes de lettres qu’il faut en déduire que Shanghai possède une culture…Pékin a deux mille ans derrière elle à se remémorer. Quant à Shanghai, cent ans d’histoire ne sont qu’un clin d’œil ».
Les cinq contes et nouvelles qui suivent sont de qualité inégale mais la dernière mérite d’être citée : « Une bouche célèbre » ; Docteur Cheng, après des études au Japon, est stomatologue et non pas dentiste, mais son cabinet n‘attire guère que quelques dents à arracher…Au théâtre avec sa femme, il est séduit par l’héroïne de « L’ivresse de la Favorite », jouée par un célèbre acteur pour lequel il réalisera son chef d’œuvre et qui lui apportera le succès… !
Si cette petite promenade de Wang Anyi vous a plu, vous pouvez envisager un marathon avec le « Shanghai », dans la collection Bouquins, un ensemble remarquable de 1500 pages (3). L’histoire de Shanghai est approchée par plusieurs spécialistes et selon des angles très différents. Des textes intéressants sur la littérature à Shanghai (Isabelle Rabut), sur Eileen Chang (Emmanuelle Pechenart), Lu Xun (Sébastian Veg), le cinéma (Luisa Prudentino)… Une anthologie de textes littéraires de 200 pages fournit nombre de traductions nouvelles d’auteurs parfois un peu oubliés. Enfin un dictionnaire, une chronologie, des cartes, un index…rien de Shanghai ne peut échapper !
Bertrand Mialaret
(1) Wang Anyi : « A la recherche de Shanghai », traduit par Yvonne André. Editions P. Picquier 2010.120pages, 14,5 euros.
(2) Wang Anyi : « Le chant des regrets éternels », traduit par Yvonne André et Stéphane Lévêque. P. Picquier 2006 ; 680 pages, 23 euros.
« Shanghai, histoire, promenades, anthologie et dictionnaire » sous la direction de Nicolas Idier. Collection « Bouquins » chez Robert Laffont ; 2010, 33 euros