Xiao Hong est l’une des romancières les plus importantes de la littérature chinoise du 20 ème siècle. Elle est morte à Hong Kong en 1942 après une carrière littéraire de moins de dix ans qui a eu, en Chine, beaucoup de retentissement. Elle demeure très appréciée spécialement par un public féminin.
Xiao Hong et les médias de Hong Kong:
En 2012, l’anniversaire de sa mort avait déjà donné lieu à plusieurs manifestations. Une romancière connue et admirée en Chine, morte à Hong Kong, un bon sujet pour l’industrie des médias qui avait réussi il y a quelques années une opération de promotion avec Eileen Chang (Zhang Ailing).
En 2013 se succèdent: une production théâtrale dansée, « The life and death of Xiao Hong », un opéra pour le festival des Arts, « Heart of Coral » et surtout dans quelques jours le film de Ann Hui « The Golden Era ». Ann Hui est une réalisatrice de grand talent mais l’on peut s’inquiéter de la pléiade de stars qu’elle a rassemblée pour son film. On peut craindre que le film ne s’intéresse qu’à la vie privée très agitée de Xiao Hong. C’est ce qui fut reproché à un film chinois récent « Falling Flowers » réalisé par Huo Jianqi, qui ne fut pas un succès.
Hulan et la Mandchourie:
Xiao Hong est née en 1911 à Hulan, au nord-est de Harbin. Harbin, vous avez sûrement déjà vu les photos des magnifiques sculptures de glace; il y a quelques jours, il y faisait –40°C la nuit!
Une famille de propriétaires terriens, sa mère meurt alors qu’elle n’a que six ans; un père remarié assez distant. Elle est élevée ainsi que son petit frère par son grand père qu’elle adore. Interne au lycée de filles de Harbin, elle veut devenir peintre. Son grand père meurt en 1930 et elle échappe à Harbin à un mariage arrangé par son père.
Elle fuit à Beijing avec un étudiant qu’elle découvre déjà marié. Son « fiancé » la rejoint, la convainc de vivre avec lui à l’hôtel et l’abandonne enceinte avec des dettes. Xiao Jun, un écrivain déjà connu, lui permet de fuir; elle accouche d’une fille qu’elle abandonne à l’hôpital. Elle épouse Xiao Jun en 1932 et publie sa première nouvelle « La mort de belle sœur Wang »(1), puis un recueil de nouvelles avec Xiao Jun. En 1934, à Qingdao, elle écrit le texte célèbre « Terre de vie et de mort »(2) que Lu Xun, rencontré à Shanghai, préfacera et fera publier.
« Terre de vie et de mort », un roman anti-japonais ?
Pour Lu Xun, « ce livre allie à l’observation minutieuse d’une femme auteur et à son style original, beauté et fraîcheur. L’esprit y est vigoureux et même ceux qui détestent profondément la fonction utilitaire de la littérature et des arts, s’ils lisent ce roman, ne pourront malheureusement y rester indifférents. »
En 140 pages, elle nous décrit la vie primitive des paysans de la région de Harbin. Les récoltes et le bétail sont bien plus importants que les enfants. « La mort d’un enfant est bien peu de chose. Croyez-vous qu’à la mort de mon enfant, j’ai éclaté en sanglots ou hurlé? »(p.132)
Tous les personnages positifs du livre sont des femmes. Les hommes ne sont tolérés que comme amants mais non comme maris et encore moins comme pères. Jinzhi va bientôt accoucher, « elle est mariée depuis à peine quatre mois qu’elle maudissait déjà son mari et ressentait de plus en plus l’insensibilité de l’espèce masculine ! Tout comme les autres femmes du village ».(p.191). Son mari tue d’ailleurs la petite fille âgée d’un mois dans un accès de colère.
Le livre décrit ce nord de la Mandchourie, très peu connu à l’époque; c’est avec le talent de l’auteur, une des causes de son grand succès. Mais il fut présenté comme un roman militant anti-japonais. Ce n’est pas le cas. Les paysans sont passifs, fatalistes, peu s’engagent et parfois simplement pour se nourrir. Les mouvements de résistance communistes ou non, sont nombreux et peu coordonnés mais l’auteur marque ses préférences pour l’Armée révolutionnaire.
Elle ne fut pas membre de la Ligue des écrivains de gauche et conserva une grande indépendance de jugement sans se soucier des crédos idéologiques. Un style très éloigné du réalisme officiel explique peut-être aussi qu’elle fut oubliée jusqu’aux années 1980.
Les hommes de sa vie :
En août 1936, elle publie « Market Street », qui regroupe de nombreux petits textes. Un livre magnifique qui, à travers la banalité du quotidien, nous conte la vie à Harbin avec Xiao Jun (Langhua dans le texte), jusqu’à leur départ pour Qingdao. Des dizaines de pages sur la faim et le froid, sur les efforts de Langhua pour trouver des emplois de professeur. Elle est isolée et ne vit que par ses relations avec Xiao Jun. « Yes I learned from my grandfather that besides coldness and hatred, life also includes warmth and love » (cité par H. Goldblatt). Une remarquable autobiographie littéraire.
A l’automne 1936, elle se rend au Japon en partie pour fuir des relations difficiles avec Xiao Jun qui la trompe. La mort de Lu Xun, son père spirituel, l’affecte beaucoup. A Wuhan, elle rencontre Ding Ling qui ne parvient pas à la convaincre de rejoindre Yan’an. Elle se sépare de Xiao Jun pour aller vivre avec un écrivain Duanmu Hongliang, qu’elle épouse en 1938. Une santé chancelante entre Wuhan et Chongqing où elle accouchera d’un enfant mort. Au début de l’année 1940, le couple se replie sur Hong Kong; tuberculeuse et mal soignée, elle meurt le 22 janvier 1942.
Souvenirs et nostalgie:
A Hong Kong, elle termine et publie « Les contes de la rivière Hulan »(5). C’est un beau roman autobiographique sur la petite ville de Hulan. Parfois des poèmes en prose, parfois des notations nostalgiques et plutôt tristes et tout cela à travers les yeux d’une petite fille innocente. Elle nous décrit la petite ville, ses fêtes, ses commerçants, ses shamans. Elle évoque son jardin et les relations très heureuses avec son grand père. On nous parle des locataires de ses parents et parmi eux de la famille Hu qui, avec un sadisme terrifiant, causera la mort d’une épouse enfant.
Je ne commenterai pas « Ma Bole », que je n’ai pas lu; une satire de la guerre avec un personnage qui est un anti-héros. Mais il faut insister sur la qualité de ses nouvelles. Deux sont particulièrement réussies: « Les Mains » (1936)(6) ; dans un collège, la fille d’un teinturier est méprisée car ses mains sont noires de teinture; elle cherche à apprendre, à s’intégrer, elle ne pourra qu’échouer. De même « Mars dans la petite cité »(2), où elle évoque la vie de tante Cui qu’elle rencontrait chez son grand père; « en tant qu’enfant de veuve,(elle) n’avait ni un bon destin ni une bonne éducation. D’ailleurs sa mère s’était remariée après la mort de son mari, chose scandaleuse… »
Enfin il faut souligner le rôle essentiel de Howard Goldblatt qui a fait connaître Xiao Hong hors de Chine. Il a traduit la plus grande partie de son œuvre et en 1976, lors de ses débuts de traducteur, a écrit une biographie. Comme il le dit: « I’ve never divorced Xiao Hong ». En 1980, il rencontre Xiao Jun et reçoit l’autorisation d’aller à Harbin et à Hulan et d’interroger les gens qui ont connu l’écrivain. Il traduit même en 1988 pour Panda, un recueil de nouvelles de Duanmu Hongliang « Red Light ». Xiao Hong , pour Goldblatt, est avec Lao She, l’un des deux grands écrivains de la première moitié du 20ème siècle.
(1) Xiao Hong- « Nouvelles », Editions You Feng, 2004.
(2) Xiao Hong- « Terre de vie et de mort », traduit par Catherine Vignal et Simone Cros-Morea. Collection Panda, 1987.
(3) Xiao Hong- « Market Street », traduit par Howard Goldblatt. University of Washington Press. 1986.
(4) Xiao Hong- “Tales of Hulan river”, traduit par Howard Goldblatt. Joint Publishing HK, 1988.
(5) Xiao Hong- “Les contes de la rivière Hulan”, traduit par Simone Cross-Morea. Editions You Feng 2011 (Bilingue chinois-français, 440 pages)
(6) Xiao Hong- « Des âmes simples », traduit par Anne Guerrand-Breuval. Arlea, 1995.
Enjoyed that! Do you see any see any similarities between Xiao Hong’s writing and that of the other female author known for tales of China’s northeast, Chi Zijian?
Big difference is that Xiao Hong lived in a Han surrouding and does not mention any minority although sorceresses and demons play a role in « Tales of Hulan river ».
Similarities are memories from the family and grand father/mother.
Chi Zijian is much more interested in nature and supernatural elements. The style of Xiao Hong is certainly more realistic.