« Frogs » de Mo Yan n’a pas reçu le prix littéraire Dangdai. La « short list » comprenait tous les livres dont on parle actuellement à Pékin et sur lesquels on reviendra : les romans de A-Laï, Su Tong, Zhang Ling…C’est Liu Zhenyun qui remporte le prix avec « A word is worth a thousand words » après avoir été le lauréat en 2007 pour « My name is Liu Yuejin ».
Liu Zhenyun a eu la chance d’avoir Sebastian Veg (1) comme traducteur pour deux ouvrages publiés par Bleu de Chine : « Les Mandarins » en 2004 et un recueil de deux nouvelles « Peaux d’ail et plumes de poulet » en 2006.
Liu Zenyun est né en 1958 dans le Hénan, il fut soldat pendant trois ans puis enseignant et fit partie de la première promotion de l’Université de Pékin (1982) qui suivit la Révolution Culturelle.
Il s’attache à décrire de manière réaliste la bureaucratie face à l’ouverture économique. Il devint célèbre avec l’adaptation télévisée de la nouvelle « Peaux d’ail et plumes de poulet » qui retrace le parcours d’un jeune dans une administration que soucis quotidiens et pressions de sa hiérarchie poussent vite à une attitude très cynique.
« Les Mandarins » nous décrivent un ministère au personnel pléthorique, peu éduqué et corrompu au moment de l’impact d’un remaniement ministériel.
Liu Zenyun est un romancier très fécond ; trois romans fleuves se situent dans son village du Hénan à travers plusieurs époques historiques, mais ne sont pas traduits.
Son roman « Le Portable » nous décrit un animateur de télévision dont le métier est de parler pour ne rien dire ; il ment à sa femme, ses amis, ses maîtresses et est finalement trahi par son portable. Le roman est vendu à 300 000 exemplaires, un succès qui contribue à celui du film qu’en tira Feng Xiagong.
Succès encore pour « My name is Liu Yuejin » : un chef de village, travailleur migrant, se fait voler son sac avec économies et papiers et pour les retrouver, il va plonger dans la lie de la société, un jeu bien dangereux traité avec beaucoup d’humour. Là aussi, un film tourné en 2007 par Ma Liwen où Liu Zhenyun joue un petit rôle.
« A word is worth a thousand words » est publié par l’éditeur An Boshun et nous ramène dans le Hénan du village natal de l’auteur. C’est un livre sur l’isolement des individus, la difficulté de communiquer, l’impossibilité de parler de ce qui est vraiment personnel. L’absence de religion en est pour l’auteur la cause profonde. Comme il le dit à xinhuanet.com « Ce n’est pas Dieu qui fait la différence, le fait est que Dieu permet aux gens de communiquer et de partager quelque chose n’importe où et à n’importe quel moment. C’est bien différent d’un
ami proche qui peut constamment changer. »
Bertrand Mialaret
(1) Sebastian Veg, agrégé de lettres, spécialiste de Lu Xun, chercheur au Centre d’Etudes Français sur la Chine Contemporaine, actuellement professeur à Hong Kong, est l’auteur d’un ouvrage fort intéressant « Fictions du pouvoir chinois, littérature, modernisme et démocratie au début du 20eme siècle » Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ; 2009.
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