Ces derniers mois, Mo Yan a fait à lui seul l’actualité: la publication en français de « Grenouilles » (1) suivie quelques jours plus tard de l’attribution à ce roman du prix Mao Dun (partagé avec quatre autres écrivains), mais un prix de 50 000 euros pour chacun.
Tout récemment a été publié un recueil de nouvelles au titre évocateur : « La belle à dos d’âne dans l’avenue de Chang’an » (2) et à la couverture censée attirer l’œil. Une couverture en total décalage, car certains textes font surtout penser à Pu Songling (1640-1715), un des auteurs préférés de Mo Yan, un natif du Shandong comme lui et que Philippe Picquier a magnifiquement servi dans une publication en 2005, en deux volumes, des « Chroniques de l’étrange », traduites par André Lévy.
Les deux premières nouvelles, « La belle à dos d’âne… » et surtout « La femme au bouquet de fleurs », évoquent les hommes fascinés par la beauté des femmes, une beauté étrange, magique, surnaturelle…des femmes ou des renardes comme dans les « Chroniques de l’étrange ».
Les deux autres nouvelles, « Le combat dans la peupleraie » et surtout « Les poucettes », sont dans la ligne des récits de Mo Yan qui, par les yeux d’un enfant, dénonce les injustices et les lâchetés du monde des adultes.
« Les poucettes », un texte très dur, est dans la droite ligne d’un excellent volume de nouvelles, « Enfant de fer » (3) qui comprend seize récits choisis par Mo Yan comme étant les plus représentatifs de son œuvre.
Ces deux livres nous montrent la diversité et le formidable talent de l’auteur. Il faut ajouter que certaines nouvelles ont été publiées à part, telles « Le maître a de plus en plus d’humour » (4) et un recueil édité aux Etats Unis « Shifu, you’ll do anything for a laugh » (titre anglais de la nouvelle « Le maître a de plus en plus d’humour ») qui regroupe plusieurs beaux textes : « Le bébé abandonné », « Enfant de fer »…
Un seul regret, on aimerait des nouvelles de Mo Yan sur la jeune génération urbaine actuelle. Cette génération n’a pas encore fait émerger des écrivains de premier plan et Mo Yan avoue qu’il ne la comprend pas …
Bertrand Mialaret
(1) Mo Yan : « Grenouilles », traduit par Chantal Chen-Andro, Le Seuil. Août 2011, 410 pages, 22 euros.
(2) Mo Yan : « La belle à dos d’âne dans l’avenue de Chang’an, traduit par Marie Laureillard, P. Picquier, 2011, 16 euros.
(3) Mo Yan : « Enfant de fer », traduit par Chantal Chen-Andro, Le Seuil 2004, 315 pages.
(4) Mo Yan : « Le maître a de plus en plus d’humour », traduit par Noël Dutrait, Le Seuil 2006.
(5) Mo Yan : « Shifu, you’ll do anything for a laugh”, traduit par Howard Goldblatt, Arcade Publishing, 2003.