Il y a deux mois, on a déjà parlé du programme « Read Paper Republic ». Tous les jeudi, le site de ces traducteurs anglophones vivant en Chine, en Grande Bretagne ou aux Etats Unis, publie la traduction d’une nouvelle ou d’un poème d’un écrivain chinois contemporain.
Cette initiative a pu faire connaître des écrivains peu traduits et créé de l’intérêt sur les réseaux sociaux pour la littérature chinoise. Ces dernières semaines, des textes de qualité ont été mis en ligne.
1/ « Crows » de Cao Wenxuan :
Traduit par Helen Wang, l’une des animatrices de « Paper Republic », qui a publié également une traduction anglaise de « Bronze and Sunflower ». Un roman que Brigitte Guilbaud avait traduit en français pour l’éditeur Philippe Picquier en 2010; un livre que j’avais alors beaucoup apprécié.
Cao Wenxuan est professeur de littérature à l’université de Pékin; certains de ses romans et nouvelles, destinés surtout aux adolescents, sont devenus des classiques des programmes scolaires.
« Crows » nous explique que les corbeaux, oiseaux peu appréciés en Chine, sont bien acceptés au Japon et à Tokyo en particulier, même si ces beaux oiseaux deviennent trop nombreux et quelque peu gênants.
Après les corbeaux, Cao Wenxuan nous parle des pigeons dans « A very special pigeon », une longue nouvelle , traduite également par Helen Wang. Deux enfants, collectionneurs de pigeons; l’un est Xiaowang, d’une famille riche, qui élève des pigeons de compétition. Un de ses pigeons est sauvé par Qiuhu, un enfant pauvre, d’un père flambeur, qui n’a que des pigeons de village. La rivalité des deux jeunes sera réglée par un de leurs pigeons qui remporte une longue course de 3500 kilomètres.
2/ Deux poèmes en prose de Lu Xun :
Ces textes sont extraits de « Mauvaises Herbes », un recueil d’une vingtaine d’essais/poèmes en prose, publiés à Pékin en juillet 1927. « Autumn Night » et « A Splendid Tale », une brillante traduction de David Haysom et Karmia Olutrade, qui ensemble sont responsables de l’édition de la revue Pathlight.
Le premier texte est une scène nocturne onirique où le moi du poète se fond dans le paysage comme dans nombre de poèmes classiques. « A splendid Tale » est un retour vers l’enfance et Shaoxing, la ville d’origine de Lu Xun.
« Mauvaises Herbes » a été, comme les recueils de nouvelles « Cris » et « Errances », traduit en français par Sebastian Veg, une édition critique remarquable…(1)
La question de l’autonomie de la littérature par rapport à la politique est au cœur de la réflexion et de l’écriture de Lu Xun. La rupture entre les nationalistes et les communistes avec les massacres de Shanghai de 1927, vont conduire les écrivains à prendre leurs responsabilités.
« Mauvaises Herbes » marque la fin de l’activité strictement littéraire de Lu Xun. Comme il le dit dans sa préface : « Ensuite, je n’écrivis plus rien de la sorte. Alors que l’époque changeait de jour en jour, on n’avait plus besoin de ce genre de texte, ni même de ressentir ce genre d’impression ». En Chine Populaire, la critique a longtemps considéré ces textes comme contre- révolutionnaires ou au minimum dangereux, ce qui n’empêcha pas Mao Zedong de saluer en Lu Xun « le commandant en chef de la révolution culturelle chinoise… »
3/ Deux nouvelles de Lu Min :
Deux textes traduits par Helen Wang : « A second pregnancy » (1980) et « Xie Bomao RIP » (2014). Lu Min a un peu plus de quarante ans, elle vit à Nanjing et est considérée comme l’un des auteurs les plus prometteurs de sa génération; collectionnant les récompenses et notamment un prix Lu Xun en 2012, elle est vice-présidente de l’union des écrivains du Jiangsu.
Elle n’a pas fait d’études universitaires, mais a suivi l’Ecole de la Poste. Son père travaillait en usine et sa mère enseignait le chinois. Après plusieurs années à la poste de Nanjing, elle fut vendeuse, secrétaire, journaliste et commença à écrire à vingt cinq ans. Elle a publié six romans et une dizaine de recueils de nouvelles, répartis entre la ville (Nanjing) et sa région d’origine idéalisée (Dongtai).
« A second pregnancy » est un peu l’histoire de sa famille. Des pressions sur ses parents pour que sa mère respecte la politique de l’enfant unique et ne mène pas à bien une deuxième grossesse. Un avortement est décidé car la sage femme a annoncé qu’il s’agirait probablement d’une fille. La mère accouche prématurément…d’une fille, ne perd finalement pas son travail mais doit payer une amende de quatre mois de salaire !
« Xie Bomao RIP » est une nouvelle de grande qualité: Li Fu est un postier modèle qui pour ses dernières années est chargé des lettres « mortes », celles qui ne peuvent être distribuées. Il a dans le passé, retrouvé beaucoup de destinataires, mais il y a maintenant avec internet de moins en moins de courrier et beaucoup de lettres publicitaires sans intérêt.
Il est étonné de retrouver régulièrement des lettres d’un certain Chen de Nanjing adressées à Xie Bomao avec des adresses différentes correspondant à des rues de Nanjing qui ont disparu. Ce Chen a une petite fille qui s’est inventée un ami imaginaire. Il va faire de même et enverra du papier blanc à Xie Bomao qui devient en quelque sorte son clone.
Li Fu ne trouvant pas trace de Xie Bomao va rechercher Chen près de la boite où les lettres sont postées avec une pancarte autour du cou mentionnant Xie Bomao. Cela durera un an et deux mois mais il finira par obtenir des résultats…Mais quand il prendra sa retraite, ce poste sera supprimé !
Bertrand Mialaret
(1) Lu Xun, Nouvelles et poèmes en prose. Traduction, annotations et postface de Sebastian Veg. Editions Rue d’Ulm, 2015, 660 pages.
Delighted to see that you are enjoying the Read Paper Republic Series! I should point out that « Pigeons » was published not in the RPR series, but by the Writing Chinese series (at the University of Leeds), which features a new author every month (http://writingchinese.leeds.ac.uk/book-club/). RPR and WC work very well together, and we have just launched a joint translation competition (https://paper-republic.org/nickyharman/read-paper-republic-and-writing-chinese-leeds-translation-competition/).
You are right Helen, the Writing Chinese with Leeds University is very interesting…Diao Dou was mentioned recently and his collection of short stories recently published is on my list…