Dans la génération des écrivains chinois qui vient d’avoir trente ans, on cite le nom de Yan Ge en tête. Elle nous parle de son enfance, des familles qui l’entourent, du Sichuan sa province natale; l’histoire, la politique ne peuvent pour elle remplacer l’humour !
Yan Ge est née à Chengdu au Sichuan, une province qui joue un rôle important dans son œuvre. Elle commence à publier à l’âge de dix ans, remporte son premier prix littéraire à 17 ans et écrit avec succès des nouvelles sur internet, sur le site Rongshu. Elle vient de terminer un doctorat de littérature comparée à l’université de Chengdu après avoir passé une année à Duke University aux Etats Unis.
Une formation solide et internationale peu fréquente chez les jeunes écrivains chinois ; comme elle le dit, elle se sert de l’anglais pour penser de manière critique et du chinois pour créer.
On ne fera pas la liste de tous les prix littéraires qu’elle a collectionnés ni de ses dix romans et recueils de nouvelles. Ce qui est traduit donne envie d’en lire plus; ce qui se produira certainement car elle a un agent efficace (The Grayhawk agency). Enfin on peut signaler qu’elle est Présidente de l’Association Chinoise des Jeunes Ecrivains.
« White Horse » : Yun Yun voit des chevaux blancs, de funestes présages:
Ce court roman, publié en 2008, a été traduit par Nicky Harman et publié comme E-book en 2014 (1).
Yun Yun , comme l’auteure, a perdu sa mère très jeune; elle vit chez sa tante avec une cousine un peu plus âgée, Zhong Qing. Qing s’attache à un garçon, Ye Fang, et Yun Yun joue les chaperons. Yun, après de échanges d’insultes, n’est pas insensible à Chen Zinian, un beau garçon et son beau stylo, un stylo Hero.
Yun Yun voit de plus en plus souvent des chevaux blancs, des funestes présages car les rapports se détériorent entre les adultes: des relations amoureuses anciennes entre la tante de Yun et le père de celle-ci. La maitresse du père, Madame Xiang, est aussi le professeur de Qing. Tout se complique mais Yun Yun réussira ses examens…
Un roman sur des souvenirs d’enfance, avec beaucoup de nostalgie et un peu d’étrangeté avec les chevaux blancs. L’auteure ne se prend pas au sérieux, un ton détendu avec pas mal d’humour. Les conflits entre les adultes sont regardés sans commentaire par une jeune adolescente. Le texte surprend car la pression sociale, les voisins, sont très peu présents. De plus le roman ne touche aucun aspect social ou politique ; c’est assez étonnant…
« Our Family » : des relations familiales pimentées au …chili bean paste :
Ce roman, couvert de prix, a été publié en 2013. Pour le distinguer des grandes sagas familiales chinoises, le titre devient « The Chili Bean Paste Clan ».
Le premier chapitre a été traduit par Nicky Haman sous le titre « Dad is dead ». Une traduction allemande est en cours. En France, le livre a été acheté par Les Presses de la Cité, ce dont on peut se féliciter car cet éditeur ne publie généralement pas de littérature chinoise. La traduction, par Alexis Brossolet, pourrait sortir mi-2016.
Nicky Harman croit en ce livre, qui n’a pas actuellement d’éditeur anglophone. Elle a publié un article dans Words Without Borders et a pu expliquer à l’université de Leeds, avec Yan Ge, en novembre 2014, les difficultés d’une telle traduction. En effet, souvent, Yan Ge utilise son dialecte du Sichuan en employant dit-elle des expressions, compréhensibles par des lecteurs en mandarin.
La culture du Sichuan est très présente. On ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir la recette du « chili bean paste ». Le père travaille dans une usine fabriquant ce précieux condiment: « Earthenware vats three or four feet tall…were set up in the yard. The vats held a bubbling mixture: broad beans, put there in April and left to go mouldy, and crushed red chili peppers and seasoning like star anise, bay leaves and great handfuls of salt, which were added later…Then Dad had to take a stout length of wood as tall as he was and, vat by vat, stir the contents”.
A Chengdu, il subsiste quelques fabrications artisanales de cet ingrédient essentiel de la cuisine épicée du Sichuan et des recettes secrètes transmises dans les familles…
Le chapitre traduit nous donne envie d’en lire plus et le résumé de l’intrigue, publié par l’agent, nous fait penser que nous ne serons pas déçus: Grand-mère va avoir 80 ans, la famille doit être réunie et Père est chargé de l’organisation de cette fête, très encadré par Grand-mère. Père a eu la mauvaise idée d’installer sa maîtresse dans un appartement au dessus de sa mère. Un sens pratique qui va créer bien des difficultés, d’autant que l’on va apprendre les problèmes auxquels sont confrontés l’oncle et la tante…De plus Grand-mère n’est pas vraiment celle qu’on croyait…
Bien écrit, beaucoup d’humour, très vivant, on attend avec impatience la traduction française.
Bertrand Mialaret
(1) Hope Read Publishing. London.